SACRÉ COLLÈGE : Princes de l'Église par M. Borel d'Hauterive (1847)

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NOTICE HISTORIQUE SUR LE SACRÉ-COLLÉGE DES CARDINAUX,
PRINCES DE L'ÉGLISE

Les cardinaux sont les princes ecclésiastiques de la cour de Rome ; ils ont voix active et passive dans le conclave lors de l'élection du pape, ils font partie du conseil du souverain pontife. Leur sénat, ou sacré-collége, se divise en trois ordres : les cardinaux-évêques, les cardinaux-prêtres et les cardinaux-diacres. Ces surnoms n'indiquent pas le véritable rang ecclésiastique des personnages revêtus de la pourpre romaine ; car la plupart des membres de l'ordre des prêtres sont en possession d'évêchés ou de siéges archiépiscopaux ; ils désignent seulement la titulature, sous laquelle chaque cardinal est attaché à la cour pontificale.

Les cardinaux-évêques, urbis episcopi, sont ceux qui occupent un siége épiscopal, suburbicaire, c'est-à-dire, dépendant du diocèse de Rome. Leur nombre s'élevait autrefois à sept ; c'étaient les évêques d'Ostie, de Porto, de Sainte-Ruffine, d'Albano, de Sabine et de Tusculum, aujourd'hui Frascati. Ils ne sont plus que six depuis la réunion du siége de Sainte-Ruffine à celui de Porto par le pape Calixte II, en 1120. Quelquefois cependant il y a eu un plus grand nombre de cardinaux-évêques, mais accidentellement et pour des raisons particulières. C'est ainsi que Léon X, voulant rendre la pourpre romaine aux prélats Carvajoul et Brisonetta, déposés par Jules II, son prédécesseur, adjoignit aux évêchés cardinalistes suburbicaires que nous venons d'énumérer, les siéges de Rieti et de Tivoli.

Étienne III, ,dans le concile qu'il tint à Rome en 769 parle des cardinaux-évêques. C'est la première fois que l'on rencontre cette désignation. On les appela d'abord évêques-cardinaux hebdomadaires, parce que chaque semaine ils célébraient à leur tour à la place du pape ou l'assistaient lorsqu'il officiait lui-même dans la basilique de Latran. Des monuments de la même époque nous apprennent que ces prélats s'appelaient aussi vicaires du souverain pontife, évêques collatéraux, évêques de la ville ou de la sainte Église romaine.

L'ordre des cardinaux-prêtres doit son origine aux recteurs des titres ou cures, appelés aujourd'hui paroisses de Rome. Au temps du pape saint Martin, les cures étaient regardées comme des quasi-diocèses, à cause du grand nombre de néophytes qui, à leur conversion au christianisme, venaient y recevoir les sacrements du baptême et de la pénitence, que les curés ou recteurs avaient alors seuls le droit d'administrer. Les papes appelèrent dans leur conseil les recteurs de ces cures importantes ; et on leur donna le nom de prêtres-cardinaux. Lorsque la puissance pontificale prit du développement, les évêques étrangers au diocèse de Rome briguèrent eux-mêmes les cures avec d'autant plus d'empressement qu'ils ne furent pas obligés de quitter leurs siéges épiscopaux pour se revêtir de ces titulatures paroissiales. Le nombre des églises cardinalistes de Rome, qui a longtemps varié, est aujourd'hui de cinquante.

Les diaconies, qui ont donné naissance à l'ordre des cardinaux-diacres, étaient à Rome des établissements pieux où il y avait une chapelle ou un oratoire, et où la charité entretenait des pauvres et des malades. Leur nombre, d'abord de sept, fut porté à quatorze, puis à seize, et sous Honorius II à dix-huit. Ducange dit que de son temps on en comptait vingt-quatre. Ces diaconies avaient pour recteurs des diacres qui reçurent le titre de cardinaux. Leurs fonctions, prenant plus d'importance, s'étendirent à la perception et à la distribution des aumônes, à l'administration des biens et des revenus de la cour de Rome. Aujourd'hui le nombre des cardinaux-diacres est fixé à quatorze. Ils remplissent en général des charges qui, par leur nature ou leur exigence, ne pourraient être confiées à des évêques ou à des prêtres, sans trop les détourner de leur saint ministère.

En résumé, les cardinaux-évêques sont ceux dont les siéges épiscopaux font partie du diocèse de Rome ; les cardinaux-prêtres sont soit des membres du clergé romain, soit des archevêques et évêques qui ont été élevés à la pourpre romaine avec le titre de recteur d'une des cures ou paroisses de la capitale du monde chrétien ; enfin les cardinaux-diacres sont ceux qui font partie du sacré-collège sans avoir été ordonnés prêtres.

Dès l'an 769, le concile de Rome tenu sous Étienne IV régla que le pape ne pourrait être choisi que parmi les membres du sacré-collége. Dans les deux siècles suivants les cardinaux se rendirent, peu à peu, les maîtres de l'élection des papes, et enfin au onzième siècle ils se réservèrent le privilége de concourir exclusivement à la nomination du souverain pontife. Innocent IV leur conféra le chapeau rouge au concile de Lyon en 1245, et Urbain VIII substitua, en 1630, le titre d'éminence à la qualification d'illustrissime qu'ils avaient portée jusqu'alors.

Les conciles de Constance et de Bâle, pour rendre invariable le nombre des cardinaux, prétendirent le fixer à vingt-quatre. Mais les décrets de ces assemblées ne furent point ratifiés par la cour de Rome. Sous Sixte IV il y avait cinquante-trois cardinaux ; Léon X, en 1517, porta ce chiffre à soixante-cinq, et Paul IV à soixante-dix. Sixte-Quint décréta que ce nombre, qui rappelle celui des anciens du peuple d'Israël et des disciples du Sauveur, ne pourrait plus être dépassé ; il régla en outre que quatre des cardinaux au moins seraient choisis parmi les moines des ordres religieux et mendiants ; enfin il établit que les collations de la pourpre romaine ne pourraient avoir lieu, selon l'ancien usage, que dans la quatrième série des semaines dites des quatre-temps ; mais cette dernière disposition est tombée en désuétude, et maintenant les papes créent des cardinaux à toute époque de l'année, et quand ils le jugent à propos.

Le plus ancien des cardinaux-évêques a la charge de doyen du sacré-collége, et le représente, pour ainsi dire, en sa personne ; c'est à lui que les ambassadeurs font les premières visites, à lui que les cardinaux nouvellement créés doivent présenter les premiers hommages. Il a le droit de porter le pallium archiépiscopal, car c'est à lui qu'il appartient de consacrer le souverain pontife.

Le cardinal camerlingue de la sainte Église romaine préside la chambre apostolique, et représente la puissance temporelle du Saint-Siége, comme le sacré-collége en représente la puissance spirituelle. Aussitôt après la mort du pape, il se rend au palais pontifical en habit violet et en rochet ; il fait constater le décès, et se saisit de l'anneau du pêcheur , qu'il brise, ainsi que le sceau de l'Église, en présence des cardinaux réunis, pour que, pendant la vacance du Saint-Siége , on ne puisse expédier de brefs.