Musée de VERSAILLES : Salles des Croisades (1844)

Armes: blasons et parfois cimier, légende et devise, tenants et supports et autres ornements extérieurs.
Nouvelles inscriptions et Corrections (Partie 2)

Dans le courant de l'année 1863, cinq inscriptions nouvelles ont été faites dans la galerie des croisades du musée de Versailles. Nous nous empressons d'en donner ici l'historique.

Inscriptions nouvelles.
PIERRE L'ERMITE, 1096. Si un nom avait le droit de figurer un des premiers dans les salles des croisades, c'était évidemment celui-ci. Pierre l'Ermite était un gentilhomme picard, qui avait quitté les armes pour l'habit monastique et qui avait fait le pèlerinage de la terre sainte en 1093. A son retour en Occident, il peignit si pathétiquement au pape les maux des chrétiens de la Palestine et les profanations des saints lieux, qu'il fut chargé, par Urbain II, de prêcher la croisade. Il parcourut la France pieds nus, une corde à la ceinture et un crucifix à la main, et il se mit à la tête de la première expédition, sans argent et sans vivres. Son armée, décimée par les fatigues du voyage fut détruite par les Sarrazins dans l'Asie Mineure. Il revint alors à Constantinople où il rejoignit les croisés conduits par Godefroy de Bouillon. Il assista au siège d'Antioche, et après la prise de Jérusalem, il repassa les mers et fonda, dans le diocèse de Liége, le couvent de Neu-Moutier, où il mourut en 1115. L'absence de tout document authentique sur la famille à laquelle il appartenait, avait empêché jusqu'ici de placer son nom et ses armes dans la galerie des croisades du musée de Versailles. Pour réparer cette omission, on vient de les inscrire dans l'embrasure de la première fenêtre de la plus grande salle, et on lui a donné pour blason l'écu qu'on lui attribue généralement, et que figure et décrit Palliot dans sa Vraie et parfaite science des armoiries, pages 96 et 97. ARMES: de sinople, au dizain de chapelet d'or, posé en chevron, surmonté d'une croix d'or, terminé par deux houppes et accompagné de trois quintefeuilles d'argent.
JEAN SAVARY, 1218. Ce chevalier prit part à la croisade de Damiette, comme le prouve un passage du Cartulaire de Baugerais, (Mss. lat. de la Bibl. imp. n° 10,044, page 85.) Voici le texte de ce document, à la date de 1218:
"Jean Savary, chevalier, s'estant croisé pour aller à la conqueste de la terre sainte, donna à l'abbaye de Baugerais un sextier de feubves (fèves) de rente, et un sextier de noix sur sa maison de l'Isle, proche de Cléon; laditte rente païable au lendemain de la feste de saint Luce, et si les feubves ou les noix manquent, veut qu'on en supplée le défaut par deux sextiers de froment; le tout par le consentement de sa femme Hersent et de son fils aîné Jordain-Guillaume-Emery-Estienne-Radulphe, et pour le remède de l'âme de son père, de sa mère, de la sienne et de celles de tous ses parens. La lettre est transcrite au livre susdit. folio 108, 6; et l'original est scelé du seau des armes dudit Jean Savary, chevalier, lesquelles portent: écartelé, avec un lambel de six pièces mouvant du chef."
Le même cartulaire cite à la date de 1240 un autre acte par lequel Jean Savary, chevalier, seigneur de l'Isle, fait donation, sur sa maison de l'Isle, d'un setier de fèves et d'un setier de froment, à la mesure de Cléon. Le titre est scellé d'un sceau pareil à celui de l'acte précédent, (Cartul. de Beaugerais, page 70.)
La maison de Savary, fort ancienne en Touraine, porte encore les mêmes armoiries, moins le lambel. Mais on ne pouvait, sans manquer à l'exactitude historique, se dispenser de reproduire fidèlement, au musée de Versailles, le blason de Jean Savary, tel que ce chevalier croisé l'avait sur son scel héraldique. ARMES: écartelé, aux 1 et 4 d'or; aux 2 et 3 d'azur; au lambel de six pendants de gueules, posé en chef.
FRANÇOIS D'ASNENS (Delley), 1219. Ce seigneur avait pris la croix avec une foule de chevaliers allemands, qui partirent en 1217 pour la terre sainte, sous la conduite d'André, roi de Hongrie, de Léopold, duc d'Autriche, et de Louis, duc de Bavière. Il mourut au camp devant Damiette, au mois d'août 1219. Ce croisé avait contracté envers des marchands génois, une dette à l'acquittement de laquelle il engagea tous ses parents par un acte de dernière volonté, qu'écrivit et scella le prêtre qui l'assistait à ses derniers moments.
François d'Asnens appartenait à la famille d'Asnens de Delley (branche de l'illustre maison d'Estavayé), dont nous avons publié la notice dans les Annuaires de 1844, page 286, et 1846, page 173, et dont les armes, inscrites au-dessus de son nom dans la galerie des croisades du musée de Versailles, sont: d'azur, au lion d'or, armé et lampassé de gueules, à deux cottices d'or, brochantes l'une sur les pattes du lion, l'autre sur sa queue.
FRANÇOIS DES MONSTIERS, 1249. La présence de ce chevalier, à la première croisade de saint Louis, est constatée par un titre de la collection Courtois, où il est appelé en latin Franciscus de Monasterüs, et par lequel il avait fait un emprunt à des marchands italiens. ARMES: d'or, à trois fasces de gueules.
AIMERI ODARD, 1272. Lorsque ce chevalier, originaire du Poitou, était entré dans l'ordre du Temple, à Montgaugier, près Mirebeau, Guillaume Odard, son père, avait assigné aux frères de cette milice, une rente annuelle de trente livres tournois, sur une terre située près de Thouars. Par acte du mois d'avril 1272, passé en présence et sous le sceau du vicomte de Châtellerault, Jean Odart, frère aîné d'Aimeri, confirma cette donation.
On voit par cet acte, qu'Aimeri Odard était en 1272, qualifié précepteur de la maison du Temple, à Tortose, en Syrie. Il avait donc été en Palestine, et son nom avait droit de figurer dans les salles des croisades. ARMES: d'or, à la croix de gueules, chargée de cinq coquilles d'argent.

Depuis trois ans, aucune inscription nouvelle n'avait eu lieu dans la galerie des Croisades du musée de Versailles. Il y avait encore cependant plusieurs places vides, et les demandes d'admission de nom et d'armes ne manquaient pas. Dans le courant de l'année qui vient de s'écouler, trois additions ont été faites. Nous nous empressons de leur consacrer quelques lignes.

Inscriptions nouvelles.
RAYMOND DE CHALUS, 1250. La présence de ce seigneur à la première croisade de saint Louis est constatée par une charte, datée de Saint-Jean-d'Acre et de l'an 1250, par laquelle Bertrand de T., chevalier, emprunte à un marchand de Sienne, en son nom et aux noms de Raymond de Chaaluz et d'Arnaud de Gironde, damoiseaux, une somme de 230 livres sous la garantie d'Alfonse, comte de Poitiers, frère de saint Louis. Le nom et les armes de Gironde ayant été placés au musée de Versailles en vertu de ce titre, il était de toute justice d'accorder la même faveur aux noms et aux armes de Châlus. Nous avons donné plus haut, page 139, une notice sur les seigneurs de Châlus et la description des armes du chevalier Raymond. Voici la traduction de la charte de croisade; telle qu'elle a été publiée dans le texte des galeries historiques de Versailles, t. VI, 2e partie, p. 372.
Qu'il soit connu à tous que moi, Bertrand de T., chevalier, ai reçu et touché d'Angelo Squarzafico, marchand de Sienne, tant pour moi que comme mandataire de nobles hommes Raymond de Chaaluz et Arnaud de Gironde, damoiseaux, deux cent trente livres en monnaie de Paris ayant cours, que très illustre homme notre seigneur Alphonse, frère du roi de France, comte de Poitiers et de Toulouse, nous a fait tenir en prêt; et, pour la restitution de cette somme, qui doit être faite audit seigneur comte, à la Pâque prochaine, nous avons obligé tous nos biens et avons remis entre les mains dudit comte tout notre fief. Quant auxdites deux cent trente livres délivrées à moi Bertrand par le susdit Squarzafico, tant pour moi que pour ceux qui m'ont donné procuration, je me tiens pour quitte et bien payé, renonçant en même temps au nom des nobles hommes R. et A. à toute exception de mon paiement. En foi de quoi j'ai apposé mon sceau. Fait à Acre, l'an du Seigneur mil deux cent cinquante.
(Original en parchemin scellé d'un sceau équestre. Contre-sceau: un écu chargé d'une bande. Légende: S. SECRETUM MEUM.)
BALIAN D'IBELIN, 1131-1142. Bien qu'éteint depuis plusieurs siècles, le nom d'Ibelin a jeté un si vif éclat dans les guerres saintes, il a été porté par des personnages si puissants et si illustres, qu'il devait trouver place dans la galerie des Croisades du musée de Versailles. Le premier seigneur de ce nom fut Balian ou Bélian, qui, suivant le lignage d'outre-mer, était frère du comte ou plutôt du vicomte de Chartres. Il passa en Palestine accompagné de dix autres chevaliers, sous le règne de Foulques d'Anjou, roi de Jérusalem. Ce prince lui donna la forteresse d'Ibelin, qui était située auprès de Lydda ou Diospolis, et dont il prit le nom, qu'il transmit à ses descendants. Leur généalogie a été donnée dans les lignages d'outre-mer. (Tome II des Assises de Jérusalem, publiées par le comte Beugnot.) De Balian étaient issus les seigneurs de Rama, de Baruth, les comtes de Jaffa, d'Ascalon; et les princes de Naplouse, qui contractèrent les plus brillantes alliances. Jean d'Ibelin alla au-devant de saint Louis, lorsque ce roi débarqua en Palestine, et le reçut dans son castel de Jaffa. Joinville le représente comme un seigneur puissant, courageux et habile dans le conseil, aussi savant jurisconsulte que brave chevalier. Ce fut lui qui rédigea, vers 1260, le plus important recueil des lois et des coutumes d'outre-mer, connu sous le nom d'Assises de Jérusalem, et son petit-neveu Jacques d'Ibelin, fils du prince de Tabarie et d'Alix de Lusignan, écrivit un traité succinct de jurisprudence féodale inséré dans le même ouvrage. "On vit, dit le comte Beugnot dans la préface des Assises de Jérusalem, page xxx, ces hommes, qui étaient la fleur et le rempart de la chrétienté d'Orient, se livrer, comme des légistes de profession, à l'étude et à la pratique des lois, et acquérir par leur science plus d'autorité qu'ils n'en tiraient de leurs fiefs et de leurs dignités." Cette passion était si forte, qu'elle ne les abandonnait pas même au milieu des fatigues et des périls de la guerre, et Philippe de Navarre, le guerrier infatigable, l'habile politique, couvert d'honneurs et de gloire, disait dans ses vieux jours: Je suis envieilli en plaidant pour autrui. ARMES: d'or, à la croix pattée de gueules.
RAYMOND DE ROQUEFEUIL, 1252. Le nom de Roquefeuil appartient à une des maisons les plus anciennes, les plus distinguées et les mieux alliées du Languedoc et de la Haute-Guyenne. En 1129, Bernard d'Anduse, seigneur d'Alais, représentant d'une des plus illustres races du midi de la France, en épousant Adélaïde de Roquefeuil, seule héritière de la baronnie et du nom de Roquefeuil, accepta pour ses enfants de porter à perpétuité le nom et les armes de Roquefeuil, ce qui démontre suffisamment combien ce dernier nom était considérable. Le chevalier croisé Raymond de Roquefeuil appartient à cette seconde lignée d'Anduse-Roquefeuil. Il était à Jaffa au mois de décembre 1252, comme il est prouvé par l'acte d'emprunt que ce chevalier contracta envers Manuel de Becino, citoyen de Gênes, sous la garantie d'Alfonse, comte de Poitiers et de Toulouse.
Par suite de la substitution qui avait eu lieu à une époque où les armes n'étaient pas bien fixées, par suite aussi du nombre considérable de branches que cette famille a formées, les armes de Roquefeuil ont subi diverses modifications, quoique la cordelière qui en forme la pièce essentielle s'y retrouve toujours.
Sur un sceau de Guillaume de Roquefeuil, frère de Raymond, est gravée une cordelière passée en sautoir et se terminant par deux bouts en forme de houppes. La légende porte : S. Guillelmi de Rocofolio.
Les écrivains héraldiques ne sont pas d'accord sur les émaux du blason des Roquefeuil. On a adopté au musée de Versailles ceux qui paraissent être les plus avérés : ARMES : d'azur, à la cordelière d'or.(Voyez pl. BE.)

NOTICE SUR QUELQUES ANCIENS TITRES SUIVIE
DE CONSIDÉRATIONS SUR LES SALLES DES CROISADES AU MUSÉE DE VERSAILLES
Par le comte de Delley de Blancmesnil.

Nous croyons devoir ne pas quitter les salles des Croisades sans dire quelques mots d'un ouvrage qui vient de paraître sous la modeste désignation de: Notice sur quelques anciens titres, suivie de considérations sur les salles des Croisades au musée de Versailles, par le comte de Delley de Blancmesnil, un vol. in-4° de 584 p. (les pages de l'avertissement comprises), avec écusson et plan des salles, chez Delaroque aîné, 21, quai Voltaire.
Ce livre, où l'auteur de l'Annuaire de la noblesse est cité souvent et quelquefois très au long, ne pouvait manquer d'attirer notre attention. Mais après l'avoir lu, nous devons avouer qu'il nous a intéressé à bien d'autres titres, et nous pensons qu'il intéressera également cette classe de lecteurs à laquelle nous nous adressons plus spécialement. Une première partie du livre, qui du reste est de beaucoup la plus courte, est consacrée à relever dans divers recueils de documents publiés assez récemment en Suisse, tout ce qui concerne la famille d'Asnens de Delley, et à confronter en quelque sorte plusieurs des titres que renferment ces recueils avec un titre de croisade appartenant à François d'Asnens. L'auteur est amené ainsi à ressusciter la controverse qui a eu lieu sur l'authenticité de la collection Courtois, d'où ce dernier titre est sorti. Nous avons pris une trop grande part aux débats qui ont eu lieu à ce sujet pour n'avoir pas lu avec un vif intérêt le plaidoyer, très-étendu, très-complet, et appuyé sur plusieurs arguments tout à fait nouveaux, que M. le comte de Blancmesnil présente au public. Nous avons été heureux de voir que ses conclusions s'accordent avec l'opinion que nous avons toujours soutenue; et que partagent presque tous les savants, opinion qui affirme l'authenticité des titres de la collection Courtois. Rien de ce qui pouvait éclairer la discussion n'a été omis ni négligé. Les objections qu'a provoquées cette collection sont reproduites et présentées dans toute leur force (M. de Blancmesnil en ajoute même quelques-unes qui lui appartiennent en propre), et aucune d'elles n'est laissée sans réponse. Toutes les questions accessoires qui se rattachent à la question principale viennent à leur tour, et sont discutées avec une grande clarté et une loyauté parfaite. On voit que l'auteur cherche le vrai avant tout, et son travail se recommande par une impartialité qui ne se dément jamais. Tous les documents que cite M. de Blancmesnil, tous les renseignements qu'il donne sont puisés aux meilleures sources, et faits pour inspirer toute confiance. Cet examen d'une collection qui a fourni tant d'inscriptions de croisades conduit naturellement l'auteur à parler des salles des Croisades elles-mêmes. Il donne l'histoire de cette portion importante du musée de Versailles, ce qui lui fournit l'occasion de faire connaître bon nombre de détails curieux et intéressants. Il en fait la description la plus complète sous le rapport de l'architecture, de la décoration et des objets d'art qui s'y trouvent rassemblés. Mais ce qu'il fait surtout parfaitement connaître, c'est le livre d'or inscrit sur ses parois. Trois tableaux successifs donnent: 1° les inscriptions fournies par la collection Courtois; 2° les noms de ladite collection inscrits en vertu d'autres titres; 3° les noms qui figurent dans la collection, et qui étaient inscrits avant qu'elle parût. Enfin vient une liste par ordre alphabétique intitulée: Table générale des inscriptions. Elle est divisée en neuf colonnes, et au moyen de cette division, on y trouve réunis sur une seule ligne tous les renseignements désirables concernant chacun des croisés. Ajoutons un plan des salles des Croisades, qui, grâce à sa disposition ingénieuse, permet de trouver facilement la place qu'occupe chaque inscription. Tout ce travail a dû demander beaucoup de temps et de soins à M. de Blancmesnil; mais aussi il y a là de quoi satisfaire la curiosité la plus exigeante (une liste particulière est formée de tous les noms qui ont été inscrits depuis 1844, et que nous avons donnés successivement dans l'Annuaire, comme le remarque M. de Blancmesnil, mais qu'il a réunis avec des articles analogues à ceux qui existent dans l'Armorial, sur les noms antérieurement inscrits. Ce sont ces noms dont les écussons sont représentés sur deux planches. Ces noms n'en sont pas moins compris sur la Table générale des Inscriptions).

Nous recommandons l'ouvrage de M. de Blancmesnil aux savants comme aux hommes du monde. Ils y trouveront une foule de renseignements curieux; ils liront avec intérêt sa discussion solide et approfondie sur la collection Courtois, et reconnaîtront qu'il a fait tout ce qu'il était possible de faire pour arriver à la vérité sur la question de savoir si cette fameuse collection est authentique ou si elle est, soit en tout, soit en partie, l'oeuvre d'un audacieux faussaire. Il traite incidemment bon nombre de points, qui pris à part et isolés de la question principale, offrent par eux-mêmes un véritable intérêt. Il suffit, pour s'en convaincre, d'avoir sous les yeux la table des matières, où le titre de beaucoup d'articles inspire tout d'abord le désir de prendre connaissance de ce qu'ils renferment. Nous n'en dirons pas plus long sur ce livre, auquel nous croyons pouvoir promettre de nombreux lecteurs dans les maisons inscrites aux salles des Croisades, dans celles qui leur tiennent par alliance, et parmi les personnes qui ont des relations plus ou moins intimes, ne fût ce que des relations de salon avec les anciennes familles. Plusieurs sans doute ne liront pas d'un bout à l'autre un travail d'aussi longue haleine, et dont quelques parties, à vrai dire, s'adressent surtout aux érudits, mais ils trouveront un peu partout des notions et des renseignements historiques et généalogiques faits pour exciter l'intérêt et tout au moins pour piquer la curiosité.
Quant à l'exécution matérielle de ce volume, dire que M. le comte de Delley de Blancmesnil s'est adressé à M. H. Plon, qui a imprimé cet ouvrage, enrichi de nombreux tableaux, avec un luxe sévère, c'est dire qu'il s'agit d'un chef-d'oeuvre de typographie.
Ce livre mérite donc d'être recommandé à tous égards, surtout aux personnes qui ont le goût des belles et sérieuses publications.

Nouvelles inscriptions.
Il restait encore, il y a quatre ans, cinq médaillons vides dans les panneaux supérieurs des embrasures de fenêtres de la grande galerie des Croisades, lorsque l'un d'eux fut rempli par le nom et les armes de Pierre l'Ermite, le chef de la première expédition. (Voyez l'Annuaire de 1854, pagé 257.) Un nouveau nom, celui de Balian d'Ibelin, dont la maison a produit les comtes d'Ascalon et de Jaffa, et qui est depuis longtemps éteinte, vint occuper, en 1866, le médaillon de la seconde fenêtre, à la demande d'une famille que flattait une quasi-homonymie. (Voyez l'Annuaire de 1867, page 234.) Il n'y avait donc plus que trois places vacantes. Deux ont été remplies cette année par des inscriptions nouvelles, dont nous allons donner l'historique, et qui ont été consacrées à des familles sur lesquelles l'Annuaire avait appelé l'attention. L'exécution du travail a exigé quelques longueurs, parce que la difficulté de dessiner sur un plafond et l'embarras de dresser des échafaudages ont contraint l'artiste à peindre d'abord les armoiries sur toile et à les coller ensuite ou maroufler sur la boiserie.
Le vicomte de COETMEN, 1270. Son admission était déjà décidée l'an dernier, comme l'avait annoncé l'Annuaire de 1868, mais elle n'avait pas été exécutée immédiatement, parce que l'on hésitait sur le prénom du chevalier croisé. Elle a été réalisée en 1868 par l'inscription du nom et des armes de la maison de Coetmen. La présence d'un de ses rejetons à la seconde croisade de saint Louis était prouvée d'une manière irrécusable, car le vicomte de Coetmen avait contracté un emprunt de quatre cents livres avant de partir pour la Terre sainte, dette dont il s'était libéré à son retour en Europe. Le fait est consigné dans un extrait d'un vieux registre des comptes rendus au duc de Bretagne Jean le Roux (1267-1275), publié par dom Morice dans les mémoires ou preuves de son Histoire de Bretagne (tome 1er, col. 1009).
Comme on le voit, le seigneur de Coetmen n'est appelé, dans ce registre, que le vicomte de Coetmen. Quoique, selon toute probabilité, cette désignation dût appartenir à Rolland Ier, vicomte de Coetmen, en l'absence d'une certitude complète, on a préféré, avec une circonspection peut-être trop méticuleuse, ne donner au chevalier croisé que le titre de vicomte, sans aucun prénom. ARMES: de gueules, à neuf annelets d'argent, posés 3, 3 et 3. (Voyez l'Annuaire de 1867, pl. BE.)
AYNARD DE BARDONNENCHE, 1191. La maison à laquelle appartenait ce chevalier croisé est une des plus anciennes et des plus illustres du Dauphiné. L'Annuaire de 1867 a donné sa notice généalogique. Il était à remarquer que l'on avait négligé d'inscrire son nom et ses armes au musée de Versailles, quoique la présence d'un de ses rejetons à la croisade de Philippe-Auguste se trouvât constatée par une des chartes d'emprunt tirées de la collection Courtois, qui avait servi à faire admettre tant d'autres familles dans la galerie des Croisades. Cette omission a été réparée cette année.
On lit au dos de l'acte: Sicurta H. de Claromonte; sicurta per scudieri Thobias Cavacia.
Le titre est scellé d'un sceau en cire jaune, portant l'empreinte d'une clef posée en pal avec cette légende fruste: (SIG)ILL(UM) SIB(OLDI).
Comme on le voit par le texte de la charte, c'est un emprunt de trois cents livres tournois fait par Aynard de Bardonnenche et Robert de Morard, écuyers, à des marchands génois, sous la garantie de Henri de Clermont, chevalier. L'acte offre deux particularités assez grandes. L'une est le taux de l'intérêt, qui, étant d'une livre pour dix par chaque retard de deux mois, s'élevait à soixante pour cent par an, à titre, il est vrai, non-seulement d'intérêt, mais aussi de dommages, manière de colorer l'usure. L'autre point remarquable, c'est que Hugues de Clermont, chevalier, qui donne sa garantie, n'ayant pas son propre sceau, apposa au bas de la charte celui de Siboud, son frère bâtard, sur lequel était gravée comme empreinte une clef. Suivant une tradition, la maison de Clermont, dont était issu le chevalier Hugues et dont descendent les ducs actuels de Clermont-Tonnerre, avait primitivement pour blason une montagne surmontée d'un soleil, qui sont des armes parlantes. Siboud de Clermont, père de Hugues, ayant levé à ses frais, en 1119, une petite armée, conduisit à Rome Gui de Bourgogne, archevêque de Vienne, élu pape à Cluny sous le nom de Calixte II, et l'installa sur le siége de saint Pierre, après en avoir chassé l'antipape Grégoire VIII. En reconnaissance d'un aussi grand service, le souverain Pontife aurait accordé au baron de Clermont, par une bulle du 23 juin 1120, le droit de prendre pour armes deux clefs passées en sautoir, et de placer sur son écu la tiare avec cette devise: SI OMNES TE NEGAVERINT, EGO NUNQUAM TE NEGABO. Le baron de Clermont mourut vers l'an 1182, laissant quatre fils, dont l'aîné s'appelait Siboud, et dont le plus jeune était cet Hugues qui se porta garant d'Aynard de Bardonnenche.
Cette concession pontificale des deux clefs, dont le P. Anselme ne fait aucune mention, semblerait contredite par la présence d'une seule clef dans l'empreinte du sceau de Siboud de Clermont, à moins que l'on n'attribue cette différence héraldique à une brisure de cadet, ou plutôt à un signe de bâtardise.
Dans l'article que l'Annuaire de 1868 (page 208) a publié sur le musée de Versailles et sur le savant ouvrage de M. le comte de Blancmesnil, intitulé: Notice sur quelques anciens titres de croisade (1 vol. in-4°; Paris, 1866, Delaroque aîné), il s'est glissé, page 210, ligne 12, une erreur typographique à propos de l'admission du nom et des armes de la maison d'Orfeuille dans la galerie des Croisades. II ne s'agit pas de la famille Gourgault, mais Gourjault, une des plus anciennes de la province du Poitou. Le texte des galeries du musée de Versailles cite Jean d'Osmond au nombre des chevaliers normands qui accompagnèrent Richard-Coeur-de-Lion en Palestine. Il s'appuie sur un titre de la collection Courtois par lequel, étant au camp d'Acre le lundi de la Pentecôte de l'an 1191, Johannes Hosmundi emprunta à des marchands de Pise cent livres d'argent, sous la garantie du roi d'Angleterre, dont il avait épousé la filleule, et qui s'engage à contraindre à ce remboursement Hosmond d'Estouteville, père de Jean.
L'acté est scellé d'un sceau en cire verte sur queue de parchemin, portant pour armoiries un lion couronné, avec une portion de la légende: SIGILLUM JOHANNIS. Le contre-sceau représente un vol d'hermines avec la légende: HOC EST SECRETUM J(OHANNIS). Le texte officiel et l'écusson attribuent pour armes à Jean d'Osmond: parti au 1 d'argent, au lion de sable, armé, lampassé et couronné d'or, qui est d'Estouteville; au 2 de gueules, au vol d'hermines, qui est d'Hosmond.
Pour démontrer combien ces attributions héraldiques sont hypothétiques et peuvent donner lieu à de graves erreurs, nous ferons d'abord remarquer qu'Osmond d'Estouteville figure lui-même au musée de Versailles en vertu d'un passage de Benoît de Peterborough, chroniqueur anglais, qui le cite au nombre des compagnons d'armes du roi Richard en Palestine. Mais cette fois on lui attribue pour armes: burelé d'argent et de gueules, au lion de sable, armé, lampassé et couronné d'or, brochant sur le tout. Si Johannes Hosmundi (ce qui veut dire fils Jean d'Hosmond) est le fils du seigneur Hosmond d'Estouteville il est alors de la maison d'Estouteville et non de la famille d'Osmond; pourquoi lui donner pour second parti les armes de cette dernière?
En outre, comment oser affirmer que le sceau représente un lion de sable armé, lampassé et couronné d'or sur champ d'argent, puisque l'on n'a inventé que quatre cents ans plus tard le moyen d'indiquer les émaux héraldiques par la gravure? Nous ferons la même remarque pour le contre-sceau que le texte officiel dit être un vol d'hermines sur fond de gueules. Comment a-t-on pu deviner la couleur du champ de l'écu et l'émail du vol dont il est chargé?
Dans un travail sérieux et important comme celui du musée de Versailles aurait-on dû se laisser aller avec autant de légèreté à des conjectures aussi hasardées? L'aigle des armes de Pierre de Lasteyrie, chevalier croisé en 1250, avait été peinte au musée de Versailles, contournée et à demi essorante. On l'a remplacée par la véritable aigle héraldique, telle que la famille la porte et telle que l'Annuaire de 1847 l'avait fait graver sur la planche M.

MUSEE DE VERSAILLES.
Lorsqu'en 1866 on eut achevé de remplir tous les médaillons des piliers, des frises et des trumeaux des cinq salles, les galeries du Musée de Versailles semblaient fermées désormais aux admissions des noms et armes de nouveaux chevaliers croisés; on songea néanmoins à se ménager le moyen d'accorder de nouvelles faveurs. C'est ce que l'on avait préparé dès 1863, lorsqu'on inscrivit le nom et les armes de PIERRE L'HERMITE, chef de la première expédition, sur le panneau supérieur de l'embrasure d'une fenêtre de la grande salle. (V. l'Annuaire de 1864, et non 1854, comme nous l'avait fait dire l'an passé une faute typographique.) L'importance exceptionnelle du personnage semblait légitimer cette place d'honneur, et comme il y avait quatre autres fenêtres, il restait de quoi satisfaire quatre ambitions nouvelles. C'était encore bien peu.
En 1866, on consacra le panneau de la seconde fenêtre aux nom et armes de Balian d'Ibelin, dont l'inscription flattait par sa quasi-homonymie une famille aujourd'hui puissante à la cour. Il restait encore trois autres embrasures, dont deux furent remplies en 1868 par l'admission du vicomte de COETMEN et d'Aynard de BARDONNENCHE. Il n'y eut plus alors qu'un seul médaillon vide, et cependant les demandes d'admission augmentaient de nombre et d'intensité par suite des nouvelles inscriptions faites.
On a eu recours en 1869 au même procédé qui avait déjà été employé trois ans auparavant. Non-seulement on a rempli le panneau resté vide dans l'arcade de la quatrième fenêtre de la grande salle par le nom et les armes de GALARD, mais on a pris sur les boiseries du plafond, pour des inscriptions nouvelles, deux des nombreux médaillons où se trouvent répétées à l'infini, sans ordre et à titre de simple décoration, les armes de France ou celles de Malte, de Jérusalem et des principaux chefs des croisades. Cette nouvelle mesure rouvre un vaste champ; car il n'y a pas moins d'une centaine de médaillons placés dans les mêmes circonstances et qui pourront être utilisés.
Nous appellerons dans ce cas l'attention sur les maisons d'Ambly, d'Arces, de Barbançon, de Bocsozel, de Bombelles, de Botherel, de Bréhan, de Cacqueray, de la Châtre, de Commiers, de Custine, de Fransures, de Fumel, de la Garrigue, de Ginestous, de Lameth, de Leyssins, de Liniers, de Montagnac, de Montarby, de Pierrepont, de Poulpry, de Rachais, de Rambures, de Sévigné, de Talhouet, qui mériteraient, à titres au moins égaux, les mêmes honneurs que celles dont les noms et les armes figurent déjà aux salles des croisades. Voyons en attendant quelles sont les inscriptions nouvelles.

Inscriptions nouvelles
BERTRAND DE GALARD, 1250. La maison de Galard, originaire du Condomois, dont le Père Anselme ne donne que quelques degrés de filiation (t. IX, p. 166), est une des plus anciennes et des plus illustres de Gascogne d'après la Chenaye-Desbois, qui lui assigne pour premier degré Guillaume de Galard, pleige ou caution, avec d'autres seigneurs, du traité conclu le 20 mai de l'an 1200 entre les rois Philippe-Auguste et Jean Sans-terre.
La généalogie dressée par la Chenaye-Desbois ne nommant d'autres Bertrand de Galard que celui auquel le roi d'Angleterre Édouard III écrivit en 1327 et celui qui fut gouverneur de Verdun en 1434, nous ne savons à quelle branche peut se rattacher le chevalier qui accompagna saint Louis à la croisade en 1248. Sa présence en Palestine est établie par un titre de la collection Courtois. C'est un acte par lequel, au mois de juin 1250, Bertrand de Galard, Bertrandus de Galhardo, et quatre autres damoiseaux, Bertrandus de la Graulet, Guillelmus Galteri, Bertrandus de Favols et Bernardus Arnei, étant au camp devant Saint-Jean d'Acre, empruntèrent deux cents livres tournois à un marchand italien, sous la garantie d'Alphonse, comte de Poitiers.
Puisque, malgré les attaques qu'on avait dirigées contre l'authenticité des titres de la collection Courtois, on devait recourir de nouveau à cette source, pourquoi ne s'est-on pas servi d'une pièce émanée de la même provenance et offrant une application plus certaine? C'est un instrument dressé par un notaire de Marseille, le 9 mai 1218, pour garantir au nom du recteur le remboursement des prêts qui pourraient être faits outre-mer à Guillaume Galard et à trois autres nobles croisés, jusqu'a concurrence de vingt-cinq marcs d'argent.
Les armes de Galard sont: d'or, à trois corneilles de sable, becquées et membrées de gueules. (Voyez pl. BL.)
RENAUD DE TASCHER, 1191. Lors du premier travail des galeries des croisades, pour lequel on mit largement à contribution les titres provenant de la collection Courtois, le nom de la maison de Tascher ne fut pas du nombre de ceux dont on avait admis l'inscription au Musée de Versailles. La présence d'un de ses rejetons à la croisade était cependant constatée par un titre de cette collection. On ne pouvait refuser au crédit du comte Charles de Tascher-la-Pagerie, devenu duc, sénateur et premier chambellan de l'Impératrice, de réparer cette omission. C'est ce qui a été fait l'année dernière, en vertu de l'acte authentique par lequel Thibaut, comte de Blois, sénéchal de France, donna sa garantie à Renaud de Tascher et à quatre autres seigneurs croisés pour un emprunt de cent vingt marcs d'argent fait à des marchands génois, charte datée du camp devant Acre, en 1191.
Fragment de sceau en cire jaune sur lacs de soie jaune et verte. On lit au dos en écriture du temps: T. BLES. com. de ccxx. march. et en écriture moderne: Sicurta Tavani Terdona XVIIII; XII.
Les armes qui ont été placées dans un des médaillons du plafond de la grande salle des croisades, auprès de la porte de Rhodes, sont: d'argent, à trois bandes de gueules, chargées chacune de quatre flanchis (ou petits sautoirs alaisés) aussi d'argent.
La maison de Tascher offre un exemple frappant de la mutabilité des armes des familles. Ses diverses branches ont tellement et si souvent modifié leur blason, qu'on le trouve décrit d'autant de manières différentes qu'il y a de généalogistes.
Suivant Chevillard, la branche maintenue en Normandie en 1667, et réputée cadette, portait: d'argent, à trois fasces de sinople, chargées chacune de trois flanchis d'argent et accompagnées en chef de deux
soleils de gueules. D'Hozier, dans son Armorial (rég. Ier, p. 533), publié en 1738, donne à la branche de Tascher-la-Pagerie, dont deux demoiselles furent reçues au pensionnat de Saint-Cyr en 1721 et 1734, le blason qui a été adopté pour le Musée de Versailles. (Voyez plus haut.) La Chenaye-Desbois le décrit: d'argent, au chef cousu de même; à trois fasces d'azur chargées chacune de trois sautoirs d'argent, le chef chargé de deux soleils de gueules. (Ce sont, à quelques expressions près, les armoiries qui ont été gravées et blasonnées dans l'Annuaire de 1849-1850.) Le duc de Tascher, voulant réunir, contrairement aux usages héraldiques, les écus des diverses branches en un seul, adopta pour armes: parti, au premier d'azur, à trois bandes d'or, chargées chacune de trois (alias de quatre) tourteaux de gueules; au deuxième d'argent, à deux fasces abaissées d'azur, chargées chacune de trois flanchis d'argent et surmontées en chef de deux soleils de gueules. Charles Grandmaison, archiviste-paléographe, ancien élève de l'Ecole des Chartes, dit dans son Dictionnaire héraldique (Migne; in-8°; Paris, 1861), que Tascher-de-la-Pagerie, en Orléanais, porte: d'azur, à trois barres d'argent, chargées chacune de trois besants de gueules.
En présence d'une telle diversité, il est d'autant plus difficile de se prononcer que les armes de la maison de Tascher n'ont pas été enregistrées dans l'Armorial officiel de 1696 à 1711, et qu'elles n'ont été décrites ni par Palliot, ni par Wulson de la Colombière, ni par aucun des auteurs antérieurs, au dix-huitième siècle.
GILLES DE BRISAY, 1396. La famille de Brisay, originaire du Poitou et établie dans la Beauce depuis plusieurs siècles compte au nombre de ses premiers auteurs Gilles de Brisay, chevalier, fils de Hallot de Brisay et de Bertrande de la Jaille, qui épousa, le 26 octobre 1394, Marguerite de Rochechouart, veuve en premières noces de Bertrand de Chanac (P. Anselme, t. IV, p. 676). Il en eut un fils, né à Distillé le 9 août 1396. Quoiqu'il n'y ait point complétement impossibilité matérielle que ce Gilles de Brisay ait, au printemps de l'an 1396, fait partie de l'expédition de Hongrie, ne peut-on pas concevoir quelques doutes en présence des dates si rapprochées de son mariage et de la naissance de son fils? Ne serait-ce pas le nom de Brezé au lieu de Brisay qu'il faudrait lire, comme l'ont fait mademoiselle de Lussan (Histoire de Charles VI; t. III, p.113), et l'Histoire du maréchal Boucicault (p.74.)?
Cette expédition, qui finit si tristement à la malheureuse journée de Nicopolis, méritait-elle bien de figurer au Musée de Versailles parmi les guerres sacrées entreprises pour la délivrance ou la défense des saints lieux?
Lisez les chroniques de Froissard ou celles des moines de Saint-Denis, et vous serez édifiés sur le caractère et les épisodes de la campagne de Hongrie de 1396. Le président Hénault, le Père Daniel lui-même se gardent bien de lui donner le titre de croisade. N'était-ce pas assez déjà d'avoir inscrit au Musée de Versailles les armes du comte de Nevers, de Philippe d'Artois, de Jacques de Bourbon, de Boucicaut, d'Enguerrand de Coucy et de l'amiral de Vienne, qui tous, à l'exception du dernier, n'eurent même pas l'honneur d'y verser leur sang et s'y rendirent à discrétion à Bajazet? Était-il donc si pressant de faire figurer à la galerie des croisades le nom de Brisay, tandis que tant d'autres, comme ceux qui ont été cités plus haut pourraient à bon droit revendiquer cet avantage? Telles sont les réflexions que la vue de ce nouvel écusson a généralement inspirées. Les armes de Brisay sont: fascé d'argent et de gueules de six pièces. (Voyez pl. BN.)

L'admission récente des Tascher et des Galard à la salle des croisades, en vertu de titres de la collection Courtois, a éveillé l'attention de quelques personnes sur l'authenticité de ces actes, tour à tour reconnue ou attaquée sans que l'on ait, à l'appui de ces changements d'opinion, apporté des raisons nouvelles ou plus sérieuses. De pareilles tergiversations donneraient lieu de croire (comme le dit un bruit assez répandu) qu'elles reposent sur des motifs et des épisodes tout à fait étrangers à la science paléographique.
La savante dissertation de M. Gazzera et le travail éminent qu'à publié M. le comte de Blancmesnil (Notice sur quelques anciens titres, suivi de considérations sur les salles des croisades; Paris, chez Delaroque , 1. vol. in-4°; 1866) nous semblent ne rien laisser à désirer comme défense de ces chartes originales. Nous ne saurions mieux faire que de conseiller à ceux qui désirent s'éclairer sur la question, de consulter ces deux ouvrages, surtout le second.