ARMORIAL DE L'EMPIRE par M. Borel d'Hauterive (1853)

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Etabli par Napoléon Ier en 1808

L'Assemblée nationale, sur la proposition du duc d'Aiguillon, avait aboli, dans la nuit du 4 août 1789, tous les droits réels et tous les privilèges utiles de la noblesse. Il ne restait plus aux gentilshommes que des distinctions honorifiques; elles leur furent aussi enlevées par le décret de l'Assemblée constituante du 19 juin 1790, qui supprima les titres et armoiries.

Lorsque Napoléon, puissant et victorieux, voulut entourer d'un éclat indispensable la majesté du trône, il se réserva, par la déclaration du 30 mars 1806, dans le royaume de Naples, qu'il venait de conquérir, six duchés grands fiefs de l'empire, savoir: Bénévent, Pontecorvo, Otrante, Gaëte, Tarente et Reggio; dans les anciens Etats de Venise, il s'appropria également les douze provinces d'Istrie, de Damaltie, de Trévise, de Conégliano, de Bellune, de Feltre, de Frioul, de Bassano, de Vicence, de Cadore, de Padoue et de Rovigo, avec trente millions de domaines qu'il destinait à être concédés plus tard à ses généraux ou à ses ministres, comme grands fiefs transmissibles à leur descendance par ordre de primogéniture.

Le sénatus-consulte du 14 août 1806 rétablit les majorats et les substitutions de titres héréditaires. Enfin ces lois furent complétées par le décret du 1er mars 1808, qui déclara que les grands dignitaires de l'Empire auraient le titre de prince et d'altesse sérénissime; que leurs fils aînés auraient celui de duc; que les ministres, sénateurs, conseillers d'Etat, présidents du Corps législatif, archevêques, auraient celui de comte; que les présidents des collèges électoraux, les évêques, les présidents des cours des comptes, d'appel et de cassation, les maires des trente-sept bonnes villes, auraient celui de baron; que les membres de la Légion d'honneur auraient celui de chevalier. Ces titres étaient transmissibles par ordre de primogéniture à la descendance mâle de ceux qui en étaient revêtus, à la condition d'instituer des majorats d'un chiffre déterminé. L'Empereur se réservait en outre d'accorder ces qualifications aux officiers civils et militaires qui auraient rendu des services à l'Etat.

Les familles qui avaient possédé des armoiries avant 1790 ne furent autorisées à les reprendre qu'autant qu'elles se les seraient fait confirmer par un règlement et un nouvel enregistrement d'armoiries. C'est là, sans nul doute, l'esprit de l'article 14 du décret du 1er mars 1808, qui interdisait de porter d'autres armoiries ou d'avoir d'autres livrées que celles qui seraient énoncées dans les lettres patentes de concession. Mais il n'y eut jamais de peine légale prononcée contre ceux qui enfreindraient cette prohibition; l'article 259 du Code pénal frappa les usurpateurs de titre, sans s'occuper des armoiries et des livrées. Les anciennes familles, à l'exception de celles qui reçurent de nouvelles dignités, négligèrent donc de se faire régulariser la possession de leur écu héraldique. Les nouvelles furent admises à se pourvoir en concession du blason qu'elles choisirent.

Mais l'Empereur, qui donnait à tout ce qu'il reconstituait une organisation régulière et uniforme, astreignit désormais les armoiries à des règles certaines, qui en faisaient une sorte de langage, et qui permettaient de reconnaître à première vue le rang, le titre et la dignité des personnes et des familles.
C'étaient les ornements extérieurs et les signes intérieurs.

Ornements extérieurs

Princes grands dignitaires - Toque de velours noir, retroussée de vair, avec porte-aigrette d'or, surmontée de sept plumes blanches, et accompagnée de six lambrequins, trois à dextre, trois à sénestre, d'or, surmontant l'écu; le tout posé sur un manteau d'azur, semé d'abeilles d'or, doublé d'hermine, et sommé d'un bonnet d'honneur, de forme électorale à calotte d'azur, retroussé d'hermine.
Ducs de l'Empire - Toque de velours noir, retroussée d'hermine, avec porte-aigrette d'or, surmontée de sept plumes blanches, et accompagnée de six lambrequins d'or; trois à dextre, trois à sénestre; le tout entouré d'un manteau d'azur doublé de vair.
Comtes sénateurs de l'Empire - Toque de velours noir, retroussée de contre-hermine, avec porte-aigrette d'or et d'argent, surmontée de cinq plumes blanches, et accompagnée de quatre lambrequins, deux à dextre, deux à sénestre, les supérieurs d'or, les autres d'argent; le tout posé sur un manteau d'azur doublé de fourrure blanche.
Comtes de l'Empire (non sénateurs) - Comme ci-dessus, moins le manteau.
Comtes archevêques - Comme ci-dessus, moins le manteau, et le tout surmonté du chapeau épiscopal, à larges bords de sinople ou de gueules, avec cordons entrelacés et terminés par des houppes en nombre suivant la dignité ecclésiastique, et posé sur la croix pastorale à double branche.
Barons évêques - Toque de velours noir, retroussée de contre-vair, avec porte-aigrette en argent, surmontée de trois plumes blanches, et accompagnée de deux lambrequins d'argent; le tout posé sur la croix pastorale, et surmonté du chapeau épiscopal de sinople avec cordons du même, entrelacés et terminés chacun par six houppes, 1, 2, 3.
Barons militaires et autres - Toque de velours noir, retroussée de contre-vair, avec porte-aigrette d'argent, surmontée de trois plumes blanches, et accompagnée de deux lambrequins d'argent.
Chevaliers - Toque de velours noir, retroussée de sinople et surmontée d'une aigrette d'argent.
Comtesses de l'Empire - Deux palmes d'or, nouées en sautoir, d'un ruban d'azur, entourant l'écu.
Baronnes de l'Empire - Deux palmes d'argent, nouées en sautoir, d'un ruban de pourpre, entourant l'écu.

Signes intérieurs

Chefs

Princes de l'Empire (Souverains) : Chef d'azur à l'aigle d'or, les ailes étendues, empiétant un foudre du même.
Princes (grands dignitaires de l'Empire) : Chef d'azur semé d'abeilles d'or.
Ducs de l'Empire : Chef de gueules semé d'étoiles d'argent.

Franc-quartier à dextre - Comtes de l'Empire

Comte ministre - D'azur à la tête de lion arrachée d'or.
Comte conseiller d'État - Échiqueté d'or et d'azur.
Comte président du Corps législatif - D'azur aux tables de la loi d'or.
Comte sénateur - D'azur chargé d'un miroir d'or en pal, après lequel se tortille et se mire un serpent d'argent.
Comte archevêque - D'azur à la croix pattée d'or.
Comte militaire - D'azur à l'épée haute en pal d'argent, montée d'or.
Comte officier de la Maison de S.M. l'Empereur - D'azur au portique ouvert à deux colonnes surmontées d'un fronton d'or, accompagné des lettres initiales D. A. (Domus Altissima) du même.
Comte officier des Maisons des princes - D'azur au portique ouvert à deux colonnes surmontées d'un fronton d'or et accompagné en coeur des initiales D. J. (Dumus Julii) du même.
Comte ministre employé à l'Intérieur - D'azur à la tête de lion arrachée d'argent.
Comte préfet - D'azur à la muraille crénelée d'or, surmontée d'une branche de chêne du même.
Comte maire - D'azur à la muraille crénelée d'or.
Comte président du Collège électoral - D'azur à trois fusées d'or rangées en fasce.
Comte membre du Collège électoral - D'azur à la branche de chêne d'or, posée en bande.
Comte propriétaire - D'azur à l'épi de blé en pal d'or.
Comtesses attachées aux Maisons Impériales - Un écusson en abîme d'azur, au portique ouvert à deux colonnes, surmonté d'un fronton d'or.
Comtesse, veuve de militaire - Un écusson d'or en abîme à l'épée en pal renversée de sable.
Comtesse de l'Empire - Un écusson en abîme d'or plein.

Franc-quartier à senestre - Barons de l'Empire

Baron militaire - De gueules à l'épée haute en pal d'argent.
Baron évêque - De gueules à la croix alésée d'or.
Baron ministre employé à l'Extérieur - De gueules à la tête de lion arrachée d'argent.
Baron conseiller d'État - Échiqueté de gueules et d'or.
Baron officier de la Maison de S.M. l'Empereur - De gueules au portique ouvert à deux colonnes surmontées d'un fronton d'argent, accompagné des lettres initiales D. A. (Domus Altissima) du même.
Baron officier de la Maison des princes - De gueules au portique ouvert à deux colonnes surmontées d'un fronton d'argent, accompagné des initiales D. J. (Dumus Julii) du même.
Baron préfet - De gueules à la muraille crénelée d'argent, surmontée d'une branche de chêne du même.
Baron sous-préfet - De gueules à la muraille non crénelée d'argent, surmontée d'une branche d'olivier du même.
Baron maire - De gueules à la muraille crénelée d'argent.
Baron président ou procureur général de la Cour de cassation - De gueules à la balance d'argent.
Baron conseiller en Cour impériale - De gueules à la balance d'argent nouée de sable.
Baron président ou procureur général de Cour impériale - De gueules à la toque de sable, retroussée d'hermine.
Baron officier de santé attaché aux armées - De gueules à l'épée en barre, la pointe en bas, d'argent.
Baron président de Collège électoral - De gueules à trois fusées d'argent rangées en fasce.
Baron membre de Collège électoral - De gueules à la branche de chêne d'argent, posée en bande.
Baron tiré des Corps savants - De gueules à la palme d'argent en bande.
Baron propriétaire - De gueules à l'épi de blé en pal d'argent.
Baronne attachée aux Maisons Impériales - Un écusson de gueules en abîme, chargé d'un portique ouvert à deux colonnes, surmonté d'un fronton d'argent.
Baronne, veuve de militaire - Un écusson d'argent en abîme à l'épée en pal renversée d'azur.
Baronne de l'Empire - Un écusson en abîme d'argent plein.

Chevaliers

Légionnaires (Légion d'honneur) - Une pièce honorable de gueules chargée d'une croix d'argent à cinq doubles branches, sans ruban, ni couronne.
Non légionnaires - Une pièce honorable de gueules chargée d'un anneau d'argent.
Ordre de la Réunion - Une pièce honorable d'azur chargée d'une étoile à douze rais d'or.
Ces pièces honorables étaient de celles dites: bande, barre, fasce, sautoir, chevron, pal, bordure, giron, champagne, etc., ou un tiers de l'écu à dextre ou à senestre, ou même un chapé, un taillé, un vêtu, un mantelé, un chaussé, etc.

Cette classification méthodique, bien simple en apparence, offrait plusieurs difficultés dans l'application et présentait quelques inconvénients.
Les signes intérieurs multipliaient les figures héraldiques d'un écu, dont ils faisaient quelquefois disparaître les pièces les plus importantes.
Les fonctions qu'ils servaient à désigner n'étaient point héréditaires, et pour offrir toujours une complète actualité il aurait fallu changer ces signes à chaque génération. La variabilité qui en serait résulté aurait détruit les avantages eux-mêmes que le législateur avait cherché à atteindre.
La courte durée du règne de cette législation héraldique fût assez longue pour en faire reconnaître les inconvénients; mais l'on n'eut pas le temps d'y remédier.

TARIF

des Droits de sceau, d'enregistrement, etc.

Concessions impériales

Duc

17 mars 1808

Droit de sceau

600

28 avril 1816

Droit d'enregistrement

132

Droit d'expédition et frais matériels

170

902

Comte

17 mars 1808

Droit de sceau

400

28 avril 1816

Droit d'enregistrement

88

Droit d'expédition et frais matériels

95

583

Baron

17 mars 1808

Droit de sceau

200

28 avril 1816

Droit d'enregistrement

44

Droit d'expédition et frais matériels

70

314

Concessions royales

Duc

18 juin 1817

Droit de sceau

15.000

28 avril 1816

Droit d'enregistrement

3.300

Droit d'expédition et frais matériels

170

18.620

Marquis ou Comte

8 octobre 1814

Droit de sceau

6.600

28 avril 1816

Droit d'enregistrement

1000

Droit d'expédition et frais matériels

170

7.990

Vicomte

8 octobre 1814

Droit de sceau

4.000

28 avril 1816

Droit d'enregistrement

880

Droit d'expédition et frais matériels

170

5.050

Baron

8 octobre 1814

Droit de sceau

3.000

28 avril 1816

Droit d'enregistrement

660

Droit d'expédition et frais matériels

170

3.830

Un simple enregistrement d'armoiries

120

19 janvier 1819. Nota. La transmission des titres ne peut avoir lieu qu'en ligne directe; hors ce cas il faut une confirmation ou plutôt une concession nouvelle, dont les droits et frais sont taxés comme ci-dessus.